Introduction
Le 28 juin 1969, aux petites heures du matin, débutent les émeutes de Stonewall lorsqu’un groupe de policiers en civil fit une descente surprise dans le bar new-yorkais. A la suite de violences sur certains clients par les policiers, la communauté LGBT+ de Greenwich village se souleva et entama une révolte pendant une semaine. Lors du 28 Juin 1970, pour célébrer la première année de cette révolte, un gigantesque défilé fut organisé. Ce fut la toute première marche des fiertés. Toutefois, la communauté ne disposait pas encore d’un symbole fort pour pouvoir se représenter. C’est en 1978 que Gilbert Baker, avec l’aide d’un collectif, créa un drapeau qui deviendra l’étendard et le symbole de la communauté gay puis de l’ensemble de la communauté LGBTQIA+ : le drapeau arc-en-ciel (Rainbow Flag).
Jeunesse
Gilbert Baker naît le 2 juin 1951 aux États-Unis, dans l’État du Kansas. Son père était juge et sa mère enseignante. Sa jeunesse fut assez difficile. En effet, le Kansas était à cette époque (et l’est toujours aujourd’hui) un état très conservateur et républicain. Dès son plus jeune âge, Gilbert se passionnait pour le dessin, le design ainsi que la mode, ce qui l’éloigna et l’isola encore plus des autres qui considéraient ses passions comme intrinsèquement liées aux femmes.
Arrivé à San Francisco
A 18/19 ans, Gilbert s’engagea dans l’US Army afin de fuir le Kansas et échapper au climat conservateur qui l’avait fait souffrir. Son service militaire dura deux ans jusqu’en 1972 où il rejoignit le corps médical et fut stationné à San Francisco au nord de l’État de Californie. C’est durant cette période au sein de l’armée américaine que Gilbert aurait fait son coming-out en tant qu’homme homosexuel. Toutefois, il dût faire face à une forte homophobie de la part de ses supérieurs et compagnons d’armes.
Après avoir fini son service militaire en 1972, Gilbert commença sa vie d’activiste pour la communauté gay. Dans les années 70, la Californie devient un havre pour de nombreuses sous-cultures et cultures underground comme les hippies ou encore les membres de la communauté LGBT+ sur la côte ouest. Lors des émeutes de Stonewall, le 28 juin 1969, de nombreux mouvements défendant les droits des personnes LGBT+ naissent un peu partout aux USA en parallèle aux Black Panthers pour les droits des Noirs et des activistes anti-guerres du Vietnam.
En 1972, Gilbert participe à de nombreux projets comme la California Proposition 19 (une des premières tentatives pour légaliser le cannabis alors très consommé et fumé par les jeunes et les hippies sous sa forme d’herbe.). C’est aussi durant cette année que Gilbert apprend la couture auprès d’amis activistes. Très vite, il dessine et coud des banderoles pour les activistes anti-guerres et les campus s’opposant violemment à Richard Nixon, fraîchement élu président sous l’étiquette républicaine, voulant reprendre l’offensive au Vietnam.
La création du rainbow flag
Entre 1972 et 1978, Gilbert commença à travailler sur la création d’un nouveau symbole pour la communauté LGBT+ à la demande de plusieurs ami(e)s activistes notamment Harvey Milk alors superviseur de San Francisco. Le but fut de remplacer le tristement célèbre triangle rose, un symbole oppressif utilisé par les nazis comme marqueur pour les prisonniers homosexuels ou soupçonnés de pratiquer des actes homosexuels (à l’instar de l’étoile jaune pour les juifs ou du triangle noir pour les lesbiennes).
C’est finalement en 1978 que Gilbert, avec l’aide d’une trentaine de personnes, cousut et colora le premier drapeau arc-en-ciel. Ce dernier fut inauguré et levé sur la place des Nations-Unies, le 25 juin 1978, lors de la marche des fiertés de San Francisco au côté d’autres banderoles.
Contrairement au drapeau à 6 bandes que l’on connaît aujourd’hui, le premier Rainbow flag avait 8 bandes avec chacune leur symbolique :
– le rose pour le sexe,
– le rouge pour la vie,
– l’orange pour la santé et la guérison,
– le jaune pour la lumière,
– le vert pour la nature,
– le bleue turquoise pour la magie et l’art,
– l’indigo pour le calme et la sérénité,
– le violet pour l’esprit.
Par la suite, le drapeau perdit ses bandes roses et turquoises dues à un coût d’impression trop élevé (c’est notamment le cas pour le rose) mais aussi pour pouvoir plus facilement le dupliquer dans un cadre purement commercial.
Le vexillographe de tous les records
A la suite de l’immense succès rencontré par le Rainbow flag, Gilbert fut engagé par la Paramount flag company (rien à voir avec le studio à la montagne Paramount), une compagnie spécialisée dans la création et l’impression de drapeaux et de banderoles, en 1979. Il y restera jusqu’à la fermeture de la compagnie en 1987. C’est en travaillant au sein de la compagnie que Gilbert devint un vexillographe (un créateur de drapeau) très connu dans la ville. En parallèle de la confection de drapeaux, Gilbert créa diverses œuvres comme des sérigraphies où le Rainbow flag est présent. L’une d’entre elles fut même affichée dans le bureau présidentiel par Bill Clinton.
Parmi ses commandes, Gilbert conçut des affiches, des présentoirs et des banderoles pour la campagne électorale de Dianne Feinstein pour le poste de maire de San Francisco mais aussi pour la visite de nombreux dignitaires et chefs d’états étrangers comme la famille royale espagnole, le premier ministre chinois ou encore les présidents de France, du Venezuela, des Philippines et bien d’autres. Mais son plus grand projet dans la compagnie fut sa participation à l’organisation de la convention nationale démocrate de 1984 au Moscone Center.
En 1994, Gilbert quitte la côte ouest pour s’installer à New-York où il y vécu jusqu’à sa mort. C’est durant cette année qu’il crée le plus grand drapeau du monde de l’époque pour commémorer les 25 ans des émeutes de Stonewall. Le projet fut financé par la pharmacie Stadtlander et mesurait plus d’un kilomètre de long.
En 2003, pour commémorer les 25 ans de la création du Rainbow flag, Gilbert crée un drapeau de 1,6 km s’étendant du golfe du Mexique jusqu’à Key West dans l’océan Atlantique au large de la Floride durant la pride de cette année.
Fin de vie et décès
Durant la dernière décennie de sa vie, l’activisme de Gilbert atteint son paroxysme et ce, malgré un très grave accident vasculaire cérébral (AVC) ayant grandement réduit ses capacités physiques, dont la couture. Malgré un pronostic très pessimiste de la part des médecins, Gilbert parvient à retrouver ses capacités à coudre grâce à un programme de rééducation personnel.
En novembre 2016, durant les élections présidentielles américaines opposant Hillary Clinton à Donald Trump, Gilbert fit son ultime coup d’éclat en tant qu’activiste. Connaissant le danger que représenterait Trump s’il était élu pour l’ensemble des minorités américaines dont la communauté LGBTQIA+, Gilbert cousu un ensemble d’uniformes inspirés de ceux que portaient les prisonniers homosexuels durant l’holocauste pour protester contre le républicain.
Le 31 mars 2017, Gilbert Baker est retrouvé mort chez lui dans son lit, décédé dans son sommeil. Selon le médecin légiste, Gilbert a succombé d’une maladie cardiovasculaire dans son sommeil.
Hommage posthume
Ayant énormément contribué pour l’amélioration des droits des membres de la communauté LGBTQIA+, Gilbert Baker reçut de nombreux hommages. Durant le mois de juin 2017, de nombreuses personnes rendirent hommage au créateur du Rainbow flag dont le sénateur de l’état de Californie Scott Wiener ou encore Stuart Milk (neveu de Harvey Milk) parallèlement aux marches anti-Trump.
Sources :
🔹 Site de la Gilbert Baker Foundation (site uniquement en anglais) : https://gilbertbaker.com/
🔹 Article du journal Le Monde sur la mort de Gilbert Baker (2017) : https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/04/01/le-createur-du-drapeau-arc-en-ciel-gilbert-baker-est-mort_5104105_3382.html
🔹 Article du journal Le Soir sur la mort de Gilbert Baker (2017) : https://www.lesoir.be/art/1473131/article/soirmag/actu-soirmag/2017-04-01/mort-gilbert-baker-createur-du-drapeau-arc-en-ciel-symbole-des-homosexuels